Les débats à l’occasion de la mise en place de la plateforme sur la RSE (lancée le 17 juin par le Premier ministre et opérationnelle depuis ce mois d’août) ont servi de révélateur : certains voient encore la RSE comme « un empêcheur de manager en rond ». Les combats d’arrière-garde ont toujours le goût amer du pathétique. Car la réalité est exactement inverse : une approche RSE authentique et intégrée (c’est-à-dire : connectée au management et à la stratégie) permet d’accélérer le changement, de gagner en cohésion interne, en compétitivité.
En voici les 7 raisons :
1 - En renforçant les parties prenantes, la
RSE oblige les organisations à traiter des sujets souvent occultés qui pourtant
génèrent des coûts cachés significatifs : mauvaise qualité des conditions
de travail, relation clients défectueuse, sous-utilisation du potentiel issu de
l’écosystème local, manque d’attention portée au recyclage, insuffisance de la
formation professionnelle, etc. La RSE constitue ainsi un axe de progrès pour
les entreprises et un facteur de prévention des risques, notamment les risques de
contentieux juridique, de réputation, de cohésion sociale dégradée. 
2 - En effet, la RSE est une démarche de
mise en visibilité. Elle rend visibles et publiques des actions sur lesquelles
l’entreprise s’engage. Cette démarche a un impact de plus en plus prononcé, du
fait de l'importance grandissante de l'image de marque, du capital-confiance
entre les entreprises et leur écosystème et en sens inverse, du risque de
réputation. Or, cela compte : selon une étude Ipsos, 93 % des Français ont déjà
renoncé à acheter un produit d'une marque qui ne respectait pas leurs attentes
en termes de développement durable. De même, 90 % des salariés et 74 % des
chefs d'entreprise affirment que l'image sociale de leur entreprise a des
conséquences importantes sur l'attractivité de ses produits (étude BVA -
Vivienne16, mars 2010). 
3 - L’inclusion des parties prenantes
amène les entreprises à poser avec leurs salariés un débat fertile, celui de l’efficacité,
de la compétitivité. De quelle compétitivité s’agit-il ? Celle qui permet de
satisfaire les actionnaires ? Ou plutôt, une compétitivité globale (qui répond
aux attentes de l’ensemble des parties prenantes) et soutenable (qui rompt avec
le diktat du court terme) ? Quels compromis proposer  et comment aménager la démarche de dialogue ?
C’est souvent dans l’organisation de la confrontation des points de vue des
parties prenantes que se trouve un gisement d’innovations, de solutions
relationnelles nouvelles, source de différenciation concurrentielle et de
compétitivité. 
4 - Lorsque la RSE se réduit à un simple
affichage de bonnes intentions, alors, effectivement elle n’a pas de valeur
ajoutée stratégique. C’est ce que j’appelle une « RSE hors sol ». Ses
retombées se trouvent au mieux dans quelques actions de mécénat ou de philanthropie,
au pire plaquées sur le papier glacé du rapport annuel. Ce que les entreprises
doivent construire, c’est que j’appelle une « RSE opérationnelle », c’est-à-dire
répondant à 4 critères : 
- articulée autour de quelques engagements forts, incarnés par les dirigeants;
 - associée à des outils de mesure et de suivi ;
 - connectée à la stratégie et au « core business » de l’entreprise ;
 - associant les salariés, le management intermédiaire, les représentants du personnel dans sa définition et son pilotage.
 
Dans cette approche, la RSE devient l’un
des ingrédients de ce fameux « sens » dont toutes les enquêtes
montrent que nos entreprises (et les salariés qui y travaillent) sont en manque…
Elle constitue ainsi un puissant facteur de motivation, d’engagement, voire de
fierté. 
5 - De ce fait, il est impératif d’associer
fortement les collaborateurs à la politique RSE. Les salariés ne sont pas
seulement une partie prenante mais plutôt une partie constituante. Ils participent à l’essentiel  du processus de création de valeur et portent
la majeure partie des risques de l'entreprise, et cela sur le long terme. Les
actionnaires, les dirigeants, les clients, les fournisseurs, les banquiers, tout
cela va et vient ; tout cela est plus ou moins fortement attaché à la
pérennité de l’entreprise. Les salariés, eux, restent en moyenne plus de 7 ans
dans leur entreprise. La RSE est sans doute l’amorce d’un nouveau contrat
social, porteur de davantage d’engagements réciproques entre collaborateurs et
entreprises. 
6 - La RSE est un levier de changement lorsqu’elle est intégrée aux objectifs tout au long de la chaîne managériale. Ici comme ailleurs, le principal vecteur de diffusion (ou d’obstruction !) est le management de proximité. Il faut donc, bien sûr, le sensibiliser, l’intéresser. Mais il faut surtout lui montrer concrètement que la RSE n’est pas l’une de ces nombreuses injonctions contradictoires poussées sans ménagement (et sans management) sur son agenda. Cela requiert une discussion approfondie sur les choix de priorité et les ressources allouées.
7 - Les dirigeants d’entreprise sont les
premiers à attirer l’attention sur l’accélération des changements
(technologiques, économiques, sociétaux). Comment pourraient-ils ignorer l’indispensable
renouvellement du concept d’entreprise (faussement confondu avec sa
personnalité juridique, la société de capitaux) et des modalités de sa
gouvernance ? Sans même évoquer les avancées de la théorie managériale aux
Etats-Unis (ex : Michael Porter, « Creating Shared Value », 2011), on peut
rappeler, plus près de nous, la mise en lumière des idées portées par Jean-Philippe
Robé, Isabelle Ferreras, Blanche Segrestin et Armand Hatchuel : une
conception de l’entreprise qui resterait gouvernée par ses seuls actionnaires
ne tient plus. Il faut inventer une nouvelle gouvernance, plus ouverte à l’écosystème
qui fait la force des entreprises. 
La RSE est un puissant levier de
changement. Je me félicite de voir cette conviction partagée par les trois
auteurs du rapport sur la RSE remis au Premier ministre le 13 juin 2013: « S’il
est une conviction fondatrice que nous nous sommes forgée au fil de notre
expérience et au cours de cette mission, c’est que les dimensions sociales, environnementales, sociétales et de gouvernance peuvent et doivent devenir un
moteur stratégique pour la conduite du changement dans les organisations »
(Lydia Brovelli, Xavier Drago et Éric Molinié, « Responsabilité et performance
des organisations ; 20 propositions pour renforcer la démarche de
responsabilité sociale des entreprises »). On ne saurait mieux dire… 
Martin RICHER, consultant
en Responsabilité sociale des entreprises, membre du comité de rédaction de Metis Europe 
 
NB: Certaines de ces
idées sont développées dans un article que j’avais publié dans la lettre de Metis
Europe à l’occasion de la sortie du livre de Nicole
Notat, fondatrice et présidente de Vigeo, sur la Responsabilité sociale : « La Responsabilité sociale est un levier de transformation ». 
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