« Pourquoi les syndicats sont nuls » : ce titre barre
la couverture de « L’Express » (25 septembre 2013) et ouvre un dossier dont,
comme souvent, le contenu est moins outrancier. De l’hebdomadaire fondé par
Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, on pouvait attendre un
jugement plus subtil et surtout plus étayé.
Mais ce n’est pas la première fois
que le syndicalisme fait l’objet d’une charge aussi dénuée de nuance. A l’été
2010, Yvon Gattaz, qui présida le CNPF de 1981 à 1986 publiait un article dans
la revue « Commentaire »[1] prônant la fin du
syndicalisme. A ses yeux, le rôle des syndicats n'est « ni favorable aux
salariés qu'ils défendent ni utile à l'économie et à la société
françaises ». On peut aussi rappeler la virulence antisyndicale exprimée à
l’occasion du vote de la loi portant sur le dialogue social dans les TPE en
juillet 2010, lors de la « non-publication » du rapport Perruchot fin
2011 et à la fin de la campagne des élections présidentielles en mai 2012[2].
Alors que nous connaissons depuis maintenant quarante ans
une crise dévastatrice, est-il judicieux d’attaquer le contre-pouvoir qui
soutient les salariés et défend l’emploi, les conditions de travail et le pouvoir d’achat ? A l’inverse, une politique de RSE (responsabilité
sociale) s’épanouit d’autant mieux que le dialogue social est riche :
« la RSE combine une approche partenariale de l’entreprise et un dialogue
social élargi, dans l’intérêt conjoint des salariés, des entreprises et de
leurs parties prenantes »[3].
C’est pourquoi il est temps de mettre à distance les idées
reçues, les jugements préfabriqués et d’examiner les apports du syndicalisme de
façon rationnelle et dépassionnée, en faisant appel aux constats établis par
les chercheurs.
Une légitimité qui se construit au-delà de l’adhésion
Certes le syndicalisme français ne se porte pas au mieux. Il
ne fédère que 8 % des salariés (5 % dans le privé, 15 % dans le public), soit
trois fois moins qu’il y a trente ans et trois fois moins que la moyenne
actuelle de la syndicalisation en Europe (23%). Parmi les 27 pays de l’Union
européenne, la France se classe au 26ème rang pour son taux de syndicalisation
(seul celui de l’Estonie est plus bas), à comparer à celui des pays qui
occupent le haut du tableau, la Suède (69 %) et le Danemark (68 %)[4]. La
France se distingue également par le fait d'être l'État membre qui compte le
plus de confédérations syndicales (9 dont 4 spécifiquement liées au secteur
public). Enfin, la France est le seul pays européen où les deux principales
confédérations représentent moins de 50 % de l'ensemble des syndiqués, alors
qu’en moyenne, dans l'Union européenne, la plus grande confédération réunit 60
% des syndiqués et la deuxième, 22 %[5].
Faiblesse et fractionnement : en France, toutes les conditions sont
réunies pour handicaper le rayonnement syndical.
Mais le syndicalisme français s’est historiquement davantage
affirmé par le soutien d’opinion et de participation aux mouvements sociaux que
par l’adhésion. C’est sa nature même qui aboutit à cette situation : en France,
les avantages négociés par les syndicats s’appliquent aussi aux non-syndiqués
et la notion de syndicalisme de services ne dispose pas d’une forte antériorité
historique. Lorsque l'on interroge les Français, même s'ils sont parfois
réservés à l'égard des syndicats tels qu'ils sont, ils plébiscitent le syndicalisme
à qui ils ‘délèguent’ la fonction de défense de leurs intérêts. Par ailleurs,
les effectifs et les audiences électorales des grandes organisations syndicales
se comparent favorablement à ceux des partis politiques, dont le rôle n’est pas
remis en cause. La légitimité des organisations syndicales vis-à-vis de la
démocratie sociale est tout aussi forte que la légitimité des partis politiques
vis-à-vis de la démocratie représentative. Ainsi par exemple, la participation
électorale aux élections d’entreprise (comités d’entreprise et délégués du
personnel) reste à un bon niveau (68 %), qui relativise le discours convenu sur
la perte de confiance des salariés envers leurs représentants.
Un bilan économique favorable
‘L’Express’, comme Yvon Gattaz trois ans auparavant, suggère
que la présence des syndicats dégrade les performances économiques des
entreprises. Cette question (encore controversée) a fait l’objet de nombreuses
études économétriques aux Etats-Unis et la majorité d’entre elles conclut à un
effet positif du syndicalisme sur la productivité du travail[6].
Deux chercheurs, Chris Doucouliagos et Patrice Laroche ont collecté et analysé toutes les
études publiées depuis 30 ans sur ce sujet et montrent que le niveau de
productivité est généralement plus élevé (d’environ 4%) dans les entreprises
connaissant une implantation syndicale, même si des différences apparaissent selon
les pays (par exemple, la présence syndicale dans l’entreprise aurait un effet
négatif sur la productivité en Grande Bretagne)[7]. Deux autres chercheurs,
Guy Vernon and Mark Rogers, ont montré que cette relation dépend du type de
syndicalisme[8].
Ainsi dans les pays où prédomine le syndicalisme de branche, comme en France et
en Allemagne, mais aussi en Belgique, Italie, Pays-Bas et dans les pays Nordiques
(Finlande, Norvège, Suède), la présence syndicale est positivement corrélée à
la productivité.
Pour la France, les études sont plus lacunaires mais
l’économiste Thomas Coutrot a montré que les rémunérations et la productivité
sont plus élevées lorsqu’une organisation syndicale est présente[9].
Une étude de la Commission Européenne[10]
montre l’impact positif de la présence syndicale sur la réduction des
inégalités : une augmentation de 10% de la densité syndicale réduit
l’indicateur de dispersion des salaires de 2%. Cette même étude montre son rôle
positif, au travers des conventions collectives négociées par les syndicats,
dans la réduction de la pauvreté et des écarts de rémunérations au détriment
des femmes.
L’effet positif en matière de santé et sécurité
Les syndicats sont aussi la cheville ouvrière des IRP
(Institutions Représentatives du Personnel), qui sont progressivement devenues
des lieux incontournables du dialogue et de la régulation sociale. Au-delà de
son influence sur les performances de l’entreprise, les syndicats et les
représentants du personnel exercent un rôle irremplaçable pour la préservation
de la santé et de la sécurité des salariés.
Ainsi par exemple, Thomas
Coutrot montre que la présence dans l'établissement d'un CHSCT[11]
multiplie les chances pour un salarié de bénéficier d'une information ou d'une
formation sur la prévention.[12] Dans une étude ultérieure[13],
il met en évidence l’impact des CHSCT vis-à-vis de la perception des relations
sociales par les salariés : dans les établissements dotés d’un
CHSCT, la proportion des salariés qui trouvent que « les représentants du
personnel traduisent bien les aspirations des salariés » est
significativement plus forte que dans les établissements sans CHSCT. En
utilisant les données de l’enquête ‘Conditions de Travail’ il montre que
« toutes choses égales par ailleurs (taille, secteur, ..) la présence d’un
CHSCT fait plus que doubler la probabilité qu’un salarié ait reçu une formation
ou une information sur les risques professionnels au cours des douze derniers
mois. Elle multiplie également par un facteur supérieur à deux la probabilité
que le salarié dispose de consignes de sécurité écrites. »
Conclusion : « la présence d’un CHSCT est clairement associée avec
une meilleure qualité des politiques de prévention dans les entreprises et à
une plus grande sensibilisation des acteurs aux risques du travail. »
En Grande-Bretagne, une
enquête réalisée fin 2009 par la Confédération syndicale TUC, montre que
l’existence d’un dialogue social de qualité entre les partenaires sociaux
permet d’éviter chaque année entre 8 000 et 13 000 accidents du
travail. Au-delà des seuls cas français
ou britannique, l’agence de la Communauté Européenne spécialisée sur les
conditions de travail, la Fondation de Dublin, a publié un rapport[14] qui recense de nombreuses études (portant
sur plusieurs pays, Allemagne, Belgique, Grande Bretagne, Bulgarie, Estonie,
Suède, Finlande) qui montrent l’impact positif de la présence des syndicats et
des comités d’entreprise sur la santé et la sécurité. Par exemple, une étude
couvrant 3.000 salariés employés par des PME en Belgique met en évidence une
corrélation entre la présence syndicale et la capacité ressentie par les salariés à peser sur les
décisions des dirigeants concernant la politique de santé et sécurité au
travail dans leur entreprise[15].
Une autre étude, réalisée pour l’Organisation internationale du travail en
Bulgarie, montre l’impact positif de la présence syndicale sur la qualité du
dialogue social en matière de santé et sécurité, notamment l’accès aux
formations dans ce domaine, l’inclusion des syndicats dans la politique de
santé et sécurité ainsi que les améliorations concrètes obtenues[16].
Dans le même esprit,
les chercheurs de l’ETUI (Institut syndical européen) établissent le lien entre
la présence de représentants sécurité ou santé et la diminution des accidents
ou le respect de la réglementation[17].
Les impacts tangibles du dialogue social
Une récente enquête a mis en évidence le rôle positif joué
par les représentants du personnel, y compris aux yeux des dirigeants : « la plupart des employeurs rencontrés
dans le cadre de l’enquête ont appris à apprécier les instances de
représentation, syndiquées ou non, comme un rouage utile et fonctionnel dans la
gestion de l’entreprise ». Et « contrairement à ce qu’on aurait pu
anticiper, dans les entreprises à la tradition non syndicale, les élus sans
étiquette ne bénéficient pas d’un a priori plus favorable que les délégués
syndicaux »[18]. Du point de vue des
salariés, une autre enquête[19] a montré que près de deux tiers d’entre eux
bénéficient d'un comité d'entreprise (CE) et 79% considèrent que le CE
« concourt à leur bien-être ».
Les syndicats exercent également leur rôle de négociateur.
Les derniers chiffres du ministère du Travail montrent que la crise n’a pas affecté
le dynamisme de la négociation sociale en entreprise en France, contrairement à
la tendance observée dans la plupart des pays de l’Union européenne[20] : elle
a généré la signature de 48.000 accords d’entreprise en 2011 (+2 % par rapport
à 2010), dont 39.000 (+9 %) signés par des délégués syndicaux[21]. Ceci
contredit totalement l’image solidement installée dans notre pays, d’un dialogue
social en panne et d’acteurs sociaux qui ne se parlent pas et ne parviennent pas
à dégager des compromis. Or, malgré les nouvelles possibilités créées par le
législateur pour permettre à des élus ou salariés non syndiqués de signer des
accords, la réalité s’impose : seulement 6% des entreprises n’ayant pas de
délégué syndical ont ouvert une négociation collective en 2007[22]. Ce sont bien les syndicats
qui portent l’essentiel de la démarche de négociation sociale.
L’impact positif de la représentation des salariés sur la
performance se vérifie aussi à l’échelle macro-économique des pays. En mars
2009, les chercheurs de l’Institut syndical européen (ETUI) ont présenté un
indicateur mesurant la participation des travailleurs et le lien entre celle-ci
et la cohésion sociale, la performance économique et le développement durable
en Europe[23].
Dans l'ensemble, les pays aux droits de participation des salariés solides
obtiennent de meilleurs résultats dans un certain nombre d'indicateurs de la
stratégie de Lisbonne (formation des salariés, santé, etc.) que les pays aux
droits de participation plus faibles.
Dans notre pays, l’obstacle à l’amélioration de la
compétitivité n’est absolument pas le syndicalisme mais la mauvaise qualité du
dialogue social. C’est ce qu’indique un rapport du World Economic Forum[24]
(un organisme suisse connu pour organiser le Forum de Davos). La France souffre
d’un classement très médiocre sur le thème de la performance de son marché du
travail (« Labor market efficiency » : 66e rang sur les 144 pays
étudiés) mais lorsque l’on prend la peine d’auditer les critères pris en compte
pour construire cet indicateur, on constate que ce mauvais classement provient
en grande partie de la mauvaise qualité des relations sociales (« Cooperation
in labor-employer relations », qui mesure le degré d’antagonisme des relations
sociales, plutôt conflictuelles ou plutôt coopératives) : 137e rang sur 144 !
Il n’y a donc que sept pays qui font moins bien : la Mauritanie, la Serbie, le
Népal, la Roumanie, le Venezuela, l’Algérie et l’Afrique du Sud[25].
Cette déficience du dialogue social nous coûte cher. Thomas
Philippon, professeur d’économie financière à la Stern School of Business (New
York University), a mis en évidence, en s’appuyant sur plusieurs séries
statistiques, l’existence d’une corrélation entre le taux de croissance et le
taux d’emploi d’une part, la qualité des rapports sociaux dans les entreprises
d’autre part[26].
« Pour résumer, les conséquences pour le marché du travail du manque de
coopération au sein des entreprises [en France] sont : plus de chômage,
moins d’emploi, moins de bien-être pour ceux qui ont un emploi, et des effets
néfastes décuplés pour les travailleurs les moins qualifiés. » Il a estimé
à une perte de 1,5% de point de croissance par an les conséquences de relations
sociales détériorées.
L’utilité se gagne par la proximité
L’appréciation négative du rôle des syndicats colportée par
‘L’Express’ n’est pas partagée par la majorité des dirigeants d’entreprise.
L’enquête REPONSE, menée périodiquement en France par le ministère du Travail[27] montre
que 79% des dirigeants (et 66% des salariés) pensent que les représentants du
personnel « traduisent bien les aspirations et les revendications des
salariés ». Les syndicats mettent-ils en avant des revendications
infondées ? Non : près de 60% des dirigeants pensent que les
représentants du personnel « prennent en compte les possibilités
économiques de l’entreprise ». Un point particulièrement révélateur :
lorsque l’on compare les réponses des dirigeants qui sont en contact d’un
syndicat présent dans leur établissement à celles des dirigeants des
établissements non-syndiqués, les réponses des premiers sont plus favorables
vis-à-vis du syndicalisme : cela montre que les préventions sont plus
théoriques que fondées sur la pratique ![28] De la même façon,
« à taille et secteur comparables, les directeurs de ressources humaines
se montrent plus favorables aux syndicats que les PDG ou les directeurs
financiers ». Les syndicalistes gagnent à être connus !
De ce point de vue, la France ne se distingue pas de ses
voisins européens. Une étude de la Fondation de Dublin[29] montre
que dans les sociétés où une représentation institutionnelle du personnel
existe, la plupart des employeurs (70 % en moyenne européenne, la France
se situant proche de ce résultat) estiment que le dialogue social et la
représentation du personnel exercent un effet positif sur la performance sur le
lieu de travail. C’est d’ailleurs particulièrement le cas au Royaume-Uni et en
Irlande, pays réputés libéraux.
De la part des salariés, la perception d’une inutilité des
syndicats dénote souvent un manque de proximité. Ainsi, d’après le ministère du
Travail, la proportion des salariés qui considèrent que les syndicats rendent
des services est légèrement inférieure à la moitié sur les sites dépourvus de
représentants du personnel mais monte à 54 % en présence d’IRP élues (CE,
CHSCT,…) et même à 66 % en présence d’élus et de délégués syndicaux[30]. De
même, l'Observatoire social de l'entreprise a montré que la perception de
l'activité des IRP varie fortement en fonction du niveau d'information des
salariés : « Si 76 % des salariés qui reconnaissent être mal informés à cet
égard jugent leurs représentants inactifs, ils ne sont plus que 30 % parmi les
salariés qui s'en disent bien informés[31]. » L’information
des salariés est donc cruciale. Or aujourd’hui, près d’un salarié sur deux
s’estime mal informé en ce qui concerne les missions et pouvoirs des
représentants du personnel en général (46% dont 12% « très mal informés »). On
peut en conclure que les syndicats sont jugés utiles là où ils sont présents et
font connaître leurs activités.
Rappelons enfin que la pratique du syndicalisme suppose un
réel engagement, qui a parfois un prix. Alors que le dossier de ‘L’Express’
suggère que les militants syndicaux cherchent à se protéger par leur mandat et
ne sont sensibles qu’à leurs intérêts propres, la réalité est toute
autre : environ un établissement
sur cinq a licencié un ou plusieurs représentants du personnel entre 2002 et
2004, un chiffre "stable" comparé à 1999-2001, selon une étude du
ministère du Travail[32], qui précise que ces licenciements vont
souvent de pair avec des réductions d'effectifs. Certes, l'employeur doit
obtenir l'autorisation administrative de l’inspection du Travail mais « dans
les faits, les demandes de licenciement sont acceptées par l'inspection dans
plus de 80% des cas ».
L’engagement
syndical a aussi un coût financier. En utilisant l’enquête REPONSE réalisée par
la Direction de l’Animation de la Recherche et des Études Statistiques (DARES)
du ministère du Travail, Thomas Breda montre que les délégués syndicaux sont
payés environ 10 % de moins que leurs collègues non syndiqués. Les salariés
syndiqués mais non délégués ont, eux, un salaire équivalent, voire un peu
supérieur à celui des non syndiqués[33].
Les chiffres du deuxième
rapport annuel du Défenseur des droits, remis au président de la République en
septembre 2013, sont sans ambiguïté : en matière de discrimination,
l’emploi occupe toujours la majorité des réclamations (environ 52%) et quand
ils sont en poste, les réclamants invoquent d’abord les critères de l’état de
santé/handicap (23 %) et l’engagement syndical (11 %), bien avant l’orientation
sexuelle (1,5 % des saisines) pour expliquer le harcèlement dont ils estiment
faire l’objet. Les enquêtes auprès des salariés montrent que la peur des
représailles est le second frein à la syndicalisation, derrière le manque de
compréhension des besoins des salariés qu’ils prêtent aux syndicats[34].
Quelles perspectives ?
Cet article n’est ni un acte d’angélisme, ni une « défense et
illustration » du syndicalisme. Ce dernier n’en a pas besoin et ne prétend pas être
exempt de tout reproche. Il s’agit simplement de reconnaître le rôle essentiel et
bénéfique de contrepoids – si ce n’est de contre-pouvoir – qu’il joue dans les
entreprises, dans les branches professionnelles, sur les territoires et au
niveau national. Ce rôle s’exerce aussi de manière indirecte au travers des IRP
(Comités d’entreprise, CHSCT,…) que les syndicats contribuent fortement à faire
fonctionner. Dans un article qui constitue la suite de celui-ci, je présente
une analyse de l’efficacité des CE et CHSCT en tant que contre-pouvoirs et je
propose quelques pistes de progrès (voir : « Les CE et CHSCT : un véritable contre-pouvoir ? », 2 octobre 2013).
Pour autant, cela n’interdit en rien de demeurer exigeant
sur les possibilités d’amélioration. Sur bien des points, l’efficacité du
dialogue social « à la française » doit absolument être accrue. Je
ferai part de quelques idées sur ce point dans un article à venir prochainement
sur ce même blog.
La théorie et la pratique de la RSE montrent que la
compétitivité des organisations se nourrit dans la force du lien qu’elles
entretiennent avec leur écosystème et plus particulièrement leurs parties
prenantes. Les syndicats sont les médiateurs d’une partie de ces liens, avec la
« partie constituante » que sont les salariés[35]. A l’inverse,
l’affaiblissement des syndicats que certaines forces politiques ou économiques
appellent de leurs vœux ne signifierait en rien celle des tensions sociales.
Ces dernières emprunteraient simplement des canaux et des formes d’expression
différents, dont l’expérience montre qu’ils sont plus conflictuels.
La crise que nous connaissons n’est rien d’autre qu’une
crise des contre-pouvoirs. La réponse efficace consiste donc, au contraire, à
renforcer le seul contrepoids qui représente efficacement une partie essentielle
au fonctionnement des entreprises, les salariés. Louis Gallois l’a parfaitement
montré dans son rapport[36] et ses
interventions : « il apparaît indispensable que se créent les conditions
d’un nouveau pacte social. (...) Pour cela, nous avons besoin de partenaires
sociaux forts : des syndicats forts, des organisations patronales capables de
s’engager dans des négociations. Et nous avons besoin de syndicats capables,
non seulement de revendiquer et de s’opposer, mais aussi de dialoguer et de
négocier des compromis utiles »[37].
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[1]
« La fin des syndicats est-elle souhaitable? », ‘Commentaire’, Été
2010. Yvon Gattaz est le père de Pierre Gattaz, élu à la tête du Medef en
juillet 2013.
[2]
Sur ce dernier point, voir Martin Richer, « Le ‘vrai travail’ : une journéede fête pour 5 années de défaites », Rapport Terra Nova
[3]
Philippe Noguès, « Responsabilité sociale des entreprises : concilier
démocratie sociale, écologie et compétitivité », note de la Fondation Jean
Jaurès, 9 Septembre 2013
[4] European Commission, “Industrial
Relations in Europe 2012”, April 2013
[5]
A noter que ces chiffres résultent d’une étude européenne pour 2010. Plus
récemment et pour la France, les résultats de représentativité diffusés par le
Haut conseil du Dialogue Social le 29 mars 2013 donnent 27% à la CGT et 26% à
la CFDT, ce qui additionné dépasse légèrement ce seuil.
[7] Chris Doucouliagos et Patrice
Laroche, « What do unions do to productivity ? A
meta-analysis », Industrial Relations no 4, October 2003. Voir également
l’ouvrage très complet sur cette question (et en français !) de Patrice
Laroche, « Les relations sociales en entreprise », Dunod, septembre
2009.
[8] Guy Vernon and Mark Rogers, « Where
do unions add value? Predominant organizing principle, union strength and
manufacturing productivity growth in the OECD”, British Journal of Industrial
Relations, 2013
[9]
Thomas Coutrot, « Relations sociales et performance économique : une
première analyse empirique du cas français », Revue « Travail et
Emploi », no 66, 1996
[10] Industrial Relations in Europe 2008, European Commission,
Directorate-General for Employment, Social Affairs and Equal Opportunities,
September 2008
[11]
Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
[12]
Thomas Coutrot, « La prévention des risques professionnels vue par les
salariés », Premières Informations, Premières Synthèses, N° 05.1, DARES,
janvier 2008
[13] Thomas
Coutrot, « Le rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
en France : une analyse empirique », Travail et Emploi, n° 117, mars 2009
[14] “Working conditions and
social dialogue”, European Foundation for the Improvement of Living and Working
Conditions, 2008
[15] De Weerdt, Y., Pauwels, F. and van
Gyes G., “Werknemersinspraak in kleine bedrijven, instellingen en vestigingen”,
Hoger Instituut voor de Arbeid, Katholieke Universiteit Leuven, 2005
[16] Rice, A., and P. Repo, “Safety and
health at the workplace; Trade union experiences in central and eastern
Europe”, International Labour Organization, 2000
[17]
María Menéndez, Joan Benach et Laurent Vogel, « L'impact des représentants pour
la sécurité sur la santé au travail ; Une perspective européenne », Bruxelles,
European Trade Union Institute, 2009
[18]
Christian Dufour et Adelheid Hege, « Comités d'entreprise et syndicats,
quelles relations ? », IRES, mai 2009
[19]
Sondage réalisé par GNresearch pour l'association patronale Ethic (Entreprises
de taille humaine, indépendantes et de croissance), novembre 2008
[20] Voir : Christian Welz, “Impact of the crisis on
industrial relations”, Eurofound report, July 2013
[21]
« Négociation collective et grèves en 2011 », Dares, septembre
2013
[22] DARES, 2009
[23] ETUI, Benchmarking Working Europe
2009
[24] World Economic Forum, “The
Global Competitiveness Report 2012-2013”, September 2012
[25]Voir sur ce point : Martin Richer, « Compétitivité de laFrance : Totems et Tabous de Davos », Le Cercle Les Echos, 7septembre 2012
[26]
Thomas Philippon, « Le capitalisme d’héritiers », Seuil, La République des Idées,
février 2007
[27]
Enquête « Relations professionnelles et négociations d’entreprise »,
réalisée tous les six ans depuis 1992
[28]
Patrice Laroche, « Les relations sociales en entreprise », Dunod,
septembre 2009
[29] European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions,
« European Company Survey 2009 », March 2010
[30]
« Les relations professionnelles au début des années 2010 », DARES
Analyses n° 26, avril 2013
[31]
« Crise économique, crise sociale : quels impacts sur l’efficacité et l’image
des représentants du personnel ? », Observatoire social de l'entreprise, mis en
œuvre par le Cesi, Ipsos, Le Figaro Économie et BFM, sondage rendu public le 31
janvier 2011
[32]
DARES, février 2009
[33]
Thomas Breda, « Les délégués syndicaux sont-ils discriminés ? », La vie des
idées, 25 octobre 2011
[34]
Voir par exemple l’enquête TNS-Sofres réalisée pour l’association Dialogues
auprès d’un panel de 1.000 Français en juin 2013
[35]
Les salariés ne sont pas seulement une partie prenante mais plutôt une partie
constituante. Ils participent à l’essentiel
du processus de création de valeur et portent une majeure partie des
risques de l'entreprise, et cela sur le long terme.
[36]
Louis Gallois, Commissaire Général à l’investissement, « Pacte pour la
compétitivité de l’industrie française », Rapport au Premier ministre, 5
novembre 2012
[37]
Louis Gallois, « Le dialogue social : une des clés de la
compétitivité », Intervention au colloque de la Fondation ResPublica
"Nouveau pacte
social : mode d'emploi", 21 mai 2013
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